Mercredi 7 octobre 2015.
Journée ensoleillée qui s’annonce banalement routinière.
14h10, mes filles dorment.
Dans le calme de la maison, le téléphone sonne.
– « Allo ? » …
– « C’est fini » …
Ce jour là mon coeur se serre. J’ai l’impression d’être passée sous un rouleau-compresseur et de voir ma tête se détacher de mon corps pour rouler comme une poussière dans un western.
Le titre de cet article sonne comme un choral de Bach, s’élevant lentement et puissamment dans les hauteurs d’une cathédrale pleine d’incompréhension et de désolation.
Loin de moi l’idée de plomber l’ambiance, mais n’avez-vous pas remarqué comment cela peut être difficile de rester soi-même quand on fait face à une perte douloureuse et brutale ?
Quand on entend deuil on pense instinctivement mort.
Pourtant le deuil ne concerne pas seulement ce qu’il se passe quand un proche passe dans l’infini et l’au delà, mais aussi ce genre de scénario où une personne préfère vous ignorer, vous juger, vous rejeter, vous condamner, plutôt que de continuer à construire quelque chose. Bref, elle décide de jouer les fantômes et de renoncer à vous. À moins que ce ne soit vous-même qui ayez besoin de vous isoler d’une relation empoisonnée.
On doit parfois faire le deuil d’un être vivant.
Il y a dans le deuil quelque chose qui concerne l’absence et la désillusion.
- Les femmes dans l’incapacité d’enfanter connaissent cette saison de deuil de l’être cher manquant à l’appel.
- Celles qui ne peuvent plus enfiler leur tenue préférée ou voient leur poitrine tomber font le deuil de leur jeunesse.
- D’autres font le deuil de leur amour, de leur santé, de leur patrie, de leur carrière, d’un rêve, d’un oiseau qui prend son envol, de ce qui devait durer toujours, d’un parent toxique ou qui perd « la boule », d’un être (mal) aimant, d’une insouciance arrachée et d’années volées.
Finalement, les exemples de deuils courent les rues et les foyers.
Des couples dont le chemin se sépare, des amitiés dont la chaleur s’évapore, des liens de sang dont le cordon se tranche.
Pourtant, que ce soit du néant à la vie ou de la vie à l’infini, il y a dans le deuil un sentiment universel …
Le vide de l’autre nous fait ressentir
le vide de soi.
Comme si c’était une partie de nous-même que l’on venait de nous arracher, on a envie de crier « eh toi là, rends-moi mon bras ! ».
Ben oui « pas de bras, pas de chocolat » et l’on ne saurait s’y résigner. Trêve de plaisanterie, c’est un sujet sérieux quand même… En général, cela nous tombe dessus sans que l’on ait eu le temps de se faire à l’idée.
C’est comme une rupture amoureuse, un accident de parcours, un choc de la vie, une bombe, un exil. On se retrouve parachuté au milieu de la mer du deuil, la crampe au coeur et la gorge nouée, ne sachant plus comment nager. Il n’y a pourtant que 2 options qui s’offrent à nous : regagner la terre ou se laisser couler.
Face au deuil, se laisser vivre ou mourir
est un choix.
Quand l’être manquant était pour soi un pilier et qu’il disparaît du jour au lendemain, c’est toute la structure qui tremble.
On doit alors trouver en soi l’énergie de réparer la brèche et de consolider ses fondations autrement.
Privé de son tuteur, notre jardin intérieur peut commencer un temps à pousser dans tous les sens, accueillir des ronces et des mauvaises herbes.
Et a-lors ?
Choisir la vie n’est pas « sauver la face ».
Comme on dit, il faut parfois toucher le fond pour mieux remonter à la surface. Il n’y a pas de honte à se sentir dépassée, perdue, submergée. C’est le bon moment pour être à l’écoute de ses émotions et de ses besoins. C’est le moment idéal pour repositionner ses valeurs, ses croyances, ses priorités, et se concentrer sur l’essentiel.
Un tas de questions peut surgir :
- Finalement qui je suis ?
- Qu’est-ce qui vaut la peine d’être vécu ?
- Pourquoi je vis ?
- D’où je viens et où je vais ?
- Qu’est-ce que je veux mettre en place pour profiter différemment?
- Comment et avec qui je veux passer le reste de ma vie ?
- C’est quoi ma définition du bonheur ?
Choisir la vie, c’est s’accepter sans façade.
L’épreuve du deuil a la puissance de faire tomber les masques et de nous mettre face à notre vulnérabilité et de (je vous le donne en mille) nos imperfections. On a le sentiment que ce qui était sous contrôle est parti en vrille et nous avec.
À ce moment là, le temps est notre ami.
Pourquoi être pressée d’aller bien ?
Ah oui, parce qu’on veut être à la hauteur !
Le miroir culturel et social dans lequel on se cherche, nous incite toujours à nous montrer sous notre meilleur jour de superwomen qui gère et encaisse tout de front. Vite, un bon anti-cernes et un fond de teint. Armée d’un sourire endimanché on prie que personne ne voit, que nul ne se doute (arf toutes pareilles). Pourtant, cette bouse dans laquelle vous vous dépatouillez a du sens.
Oui, le fumier est un véritable engrais !
Il y a dans notre jardin intérieur et émotionnel des graines qui n’attendent que le crottin pour pousser ! Il y a quelque chose dans l’épreuve qui peut se transformer en cadeau et fleurir. Creuser en soi est effrayant, mais retourner le terreau de son coeur est une clé pour se (re)trouver. Comme en jardinage, on a parfois besoin d’ouvrir un livre, de demander conseils, d’attendre la bonne saison et d’oser se salir les mains.
On est responsable de soi et de son jardin.
Aujourd’hui, vous pouvez décider de ne pas subir cette perte mais d’en tirer énergie et force.
Voici quelques questions à se poser :
- Qu’est-ce que cette expérience m’apprend sur moi ?
- Qu’est-ce que cela m’apprend sur mon entourage ?
- Qu’est-ce que cela m’apprend sur le monde ?
- Qu’est-ce que j’ai perdu que je souhaite retrouver ? (ma paix, ma joie…)
- Qu’est-ce que cela a créé en moi dont je voudrais me débarrasser ? (la crainte, la culpabilité, l’insécurité…)
- Qu’est-ce qui aujourd’hui m’apporte du réconfort ?
- En dépit de toutes les raisons que j’ai d’aller mal, quelles sont toutes les raisons que j’ai d’aller bien ?
Je vous souhaite d’aimer malgré tout,
de choisir la vie,
et de vous (re)trouver.
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