En quelques mots, quelle est ton histoire ?

Du haut de mes 20 ans ça se résume à un combat éternel contre moi-même. Je ne peux même pas dire quand est-ce que cela a commencé. C’est comme si c’était présent depuis toujours. J’ai toujours été potelée et j’en ai toujours souffert. Déjà à 8 ans, ma mère me raconte que je lui demandais : « pourquoi j’ai un gros ventre ? pourquoi on dirait que je suis enceinte ? ». À l’adolescence j’ai essuyé des moqueries et j’avais l’impression d’avoir 2 voix à l’intérieur : une qui me disait « accepte-toi telle que tu es, les filles rondes sont magnifiques », et une autre voix qui me disait « il faut absolument que tu perdes 10 kg, que tu fasses du sport et un régime ! ». Pendant longtemps je me suis interdit de vivre, je fuyais les soirées, j’évitais de manger pendant les apéros, je cachais mon corps quitte à mourir de chaud et faire un malaise, j’avais fait une croix sur les shorts, les débardeurs, les maillots de bain et la plage.

Un jour, grâce au mouvement bodypositive, suite à des rencontres inspirantes et à force de voir des filles plus rondes que moi décontractées, j’ai commencé à changer. Enfin pour essayer de m’assumer, j’ai participé au concours Miss Ronde Côte d’Azur 2016. C’était une expérience géniale où j’ai appris beaucoup sur moi-même, j’ai osé défiler sur scène et passer en lingerie sur le podium, alors que j’avais du mal à aller à la plage, et contre toute attente… j’ai gagné ! 

En coulisses, c’était quand même difficile parce que ça reste un monde de filles avec des jalousies. J’ai faillit abandonner plus d’une fois, mais j’ai tenu bon et c’était ma fierté. Grâce à ce titre là j’ai postulé à des castings pour devenir l’égérie d’une marque et pour faire des interviews. Finalement je n’ai rien obtenu avec les marques, parce que je n’étais pas assez ronde et pas assez grande ! J’ai découvert que même dans les size plus il y a des conditions et des normes. Il faut faire 1m70 minimum, taille 44-46 minimum, avoir un corps harmonieux sans ventre et une peau lisse. Même dans la catégorie ronde tout est en fonction du chiffre et les femmes doivent être parfaites. Montrer un bourrelet c’est un peu à la mode, mais c’est surtout du marketing pour paraître cool alors qu’en coulisses on est encore mesurée, pesée et on sait que les photos seront retouchées. Faire des shootings photo est devenu une passion et j’ai remarqué que c’est parfois difficile pour les photographes de ne pas faire des retouches. Aujourd’hui, le combat que je mène est pour plus grand que moi-même, car il concerne toutes les femmes. 

À quoi ressemble ton quotidien aujourd’hui ?

Ça ressemble exactement à ce que je voulais il y’a 5 ans : je suis chargée de communication en alternance dans une entreprise, chaque semaine je vais à la zumba et de temps en temps je fais des shooting photos. J’ai un chéri, un job que j’aime, je progresse chaque jour dans l’acceptation de moi-même. J’ai fait plein de psychothérapie et pourtant les instagrameuses m’ont fait beaucoup plus de bien. C’est grâce à elles si je porte des shorts…

Si la femme que tu es à présent pouvait s’adresser à la petite fille que tu étais, toi qui connais la suite de l’histoire, qu’est-ce que tu lui dirais ?

« Il y a autant de critères de beauté qu’il y a de gens sur terre » (C’est aussi une citation de la Youtubeuse Maud Bettina).

Quels sont les domaines où tu as (eu) du mal à lâcher prise et comment tu t’y es prise pour progresser ?

Cela a été un long parcours pour arrêter de vouloir me cacher. Pour progresser, je me suis bien entourée et j’ai eu un besoin d’un déclic. Par le passé j’ai rencontré un homme qui a tout fait pour que je m’accepte et malgré tout ce qu’il faisait il n’y avait rien qui marchait. Il pouvait me montrer des preuves d’amour, me faire les plus beaux compliments, ça ne suffisait pas et ça a ruiné notre relation. Sur la fin, dans un élan de dépassement, je lui ai fait la surprise de le rejoindre avec ses amis sur la plage et pour la première fois je portais un short. Au début je n’ai pas lâcher prise pour moi, mais par amour. Ensuite, nos routes se sont séparées et j’ai continué mon chemin d’acceptation de soi.
Sur Facebook j’ai été énormément inspirée par la page Ma grande taille, et Femme d’Influence Magazine.

Entre nous, qu’est-ce qui a le don de t’énerver et comment tu fais pour faire redescendre la pression ?

La prétention, je ne supporte pas les filles qui font de la provoc’. Du coup je fais attention à ce que je regarde sur les réseaux sociaux. J’ai plus de facilités aujourd’hui à lâcher prise, plutôt qu’à continuer à me faire du mal. Avant j’enregistrais les photos dans mon ordinateur et je me disais que je devais leur ressembler, mais quand j’y repense je me dis que c’était de la torture, aujourd’hui je zappe !

La vérité sur ce que tu penses de ton corps ?

Je sais que je ne suis pas objective, je ne me trouve pas toujours à mon goût, mais sur les photos j’aime qu’on ne me retouche pas. Grâce aux shootings je me vois plus belle, parce que je regarde à travers un objectif et pas un miroir.

Parmi les 5 langages d’amour (un cadeau, des paroles valorisantes, du temps de qualité, le toucher, les services rendus), lequel te touche plus particulièrement ?

Les paroles valorisantes, j’en suis presque esclave parce que si je n’ai pas de reconnaissance et de compliments je suis triste, je me sens mal, je peux même poser la question ou dire « tu m’as pas dit que j’étais belle ». J’ai besoin de l’entendre et pas juste de le savoir dans ma tête.

Quelle est LA personne que tu n’as jamais rencontrée avec qui tu aimerais partager un repas ?

Gaëlle Prudencio, c’est un mannequin engagé dans la communauté bodypositive, elle fait beaucoup d’événements sur Paris.

Quelques mots pour inspirer le coeur des femmes ?

La beauté d’une autre femme ne doit pas te faire douter de ta propre beauté. Toutes les femmes sont belles. On ne devrait pas se battre pour les rondes mais pour les femmes en général, pour qu’elles prennent conscience de leur valeur. La confiance en soi devrait être un cours obligatoire à l’école, et il n’est jamais trop tard pour faire une séance de rattrapage !