Je vous présente le portrait de Flavie Praneuf, qui n’a pas que les yeux couleur océan mais également une vie faite d’une succession de vagues parfois tumultueuses…
- En quelques mots quelle est ton histoire ?
Ce qui me semble le plus important à dire, c’est que j’avais prévu d’être avocate, mais ma vie a été un gros tsunami et c’est comme ça que j’ai voulu entrer à l’école de gendarmerie. J’y ai d’ailleurs rencontré mon conjoint et notre particularité c’est qu’en 9 ans d’histoire commune, nous n’avons jamais vécu ensemble, car nous sommes toujours l’un ou l’autre sur les routes. Lorsque je suis tombée enceinte, nous avons eu le choc d’apprendre dès la seconde échographie, que notre Elsa souffrait d’une grave malformation cardiaque. Contre l’avis des médecins et la pression pour avorter jusqu’à 1 semaine avant l’accouchement, on a décidé de rencontrer notre fille. Elsa a eu sa première opération à 7 jours de vie, une seconde opération à 10 jours, et on a pu rentrer à la maison au bout de 3 semaines. On avait un bébé bleu (à cause du manque d’oxygène dans le sang) qui souffrait également de coliques et de reflux, dont il fallait s’occuper avec une vigilance extrême. Pourtant, j’ai repris le travail, car j’avais besoin de reprendre ma vie de femme. Etonnement, je suis retombée enceinte alors que notre fille aînée n’avait que 6 mois. J’avais beaucoup de craintes, mais Chloé notre deuxième petite fille est en très bonne santé !
- À quoi ressemble ton quotidien aujourd’hui ?
J’ai l’impression d’être tout le temps en train de courir, c’est pas déplaisant mais c’est une vie à 10.000 à l’heure. Dans mon travail de gendarme je fais autant du judiciaire que de la sécurité routière, cela va de la simple plainte d’un vol à la déclaration d’un viol, je fais partie des premières personnes sur place quand on est appelés dans les domiciles, je suis parfois d’astreinte, bref mon métier est très polyvalent ! Côté santé, Elsa est porteuse d’un pacemaker (stimulateur cardiaque), donc il y a 2 rdv tous les 5-6 mois sur Lyon, je prends mes repos en fonction de ça car je peux travailler en semaine, comme le week-end ou la nuit. Heureusement, on a du soutien familial pour gérer nos plannings et prendre soin des filles. Grâce à eux et notre remarquable assistante maternelle qui a fait le choix d’avoir que nos 2 filles pour s’adapter complètement à nous, j’ai pu continuer à faire le travail qui me passionne. D’ailleurs, c’est un cadeau d’avoir une professionnelle de la petite enfance qui préfère la qualité à la quantité ! En parallèle, dès que j’ai le temps je prépare avec ma collègue Sabrina le rallye Aïcha des gazelles édition 2017. En bref, c’est 10 jours de compétition féminine en 4×4 dans le désert marocain, sans GPS et sans boussole. D’ailleurs, nous partons dans quelques jours ! Nous avions un budget de 35000€ à rassembler. Durant 1 an nous avons cherché des fonds, des sponsors, préparé le véhicule, convaincu des entreprises de nous suivre dans le projet. Je suis assez fière parce qu’on oeuvre pour des associations cardiaques qui ont été présentes pour Elsa et le parrain de notre équipage est son chirurgien !
- Si la femme que tu es à présent avait pu s’adresser à la petite fille que tu étais, toi qui connais la suite de l’histoire, qu’est-ce que tu lui aurais dit ?
« Ne baisse jamais les bras, tu es plus forte que tu ne le penses ».
J’étais une petite fille très anxieuse, timide, qui anticipait beaucoup les choses et manquait d’assurance. Aujourd’hui j’ai encore des moments de doutes mais je ne suis plus la même. Je pense que rien n’arrive par hasard et que tout nous construit. Même lorsque l’on perd quelque chose, on est en train de gagner une autre chose que l’on ne soupçonne pas !
- Concernant ton parcours personnel, qu’est-ce qui te rend le plus heureuse ?
Sans hésiter ce sont mes enfants. La force d’Elsa et la pêche de Chloé font celle que je suis. C’est pour elles que j’ai tenu bon et que je me bats au quotidien.
- Quels sont les domaines où tu as (eu) du mal à lâcher prise et comment tu t’y es prise pour changer ?
Dans ma vie de couple et de maman, je voulais tellement bien faire que je me mettais une pression de dingue pour être parfaite. Même en amitié je voulais toujours satisfaire tout le monde et ça m’impactait énormément. Aujourd’hui j’ai compris que « fait vaut mieux que parfait » et les relations sont plus saines comme ça. C’est quand je me suis sentie complètement seule que j’ai réalisé que je devais choisir mes combats et que je ne pouvais pas tout le temps dépendre du regard des autres. Dans une période où je ressentais de la colère, finalement c’est cette émotion qui a été mon déclic. Je savais que je devais lâcher ça depuis longtemps, mais je ne le faisais pas. Il a fallu que je me sente au fond du trou pour que je devienne libre et trouve un nouvel équilibre, en me reconnectant à mon intuition.
- Quelles sont tes craintes et comment tu fais pour les dépasser ?
Mes plus grande craintes sont d’abord de perdre un enfant, ensuite de nouvelles opérations. Je le sais, avant les RDV médicaux je suis hyper stressée voire exécrable ! J’arrive à me canaliser grâce à Chloé qui fait que l’on est pas que dans la maladie, et mon travail. Egalement, j’ai fait baptiser mes filles. J’avais besoin de confier mes enfants à Dieu et de le symboliser par un acte. Quand je passe devant une église, j’aime rentrer pour allumer une bougie et ça m’apaise.
- Un sport à déclarer ?
Ce qui me plaît c’est la compétition, je n’aime pas le sport pour le loisir 😉
- La vérité sur ce que tu penses de ton corps ?
Je me sens bien en ce moment. Pendant longtemps j’ai eu l’impression d’avoir le corps d’une femme-enfant. J’ai une zone qui me complexe mais je ne suis pas que cette partie, je suis bien plus, donc cela ne m’empêche pas de m’accepter.
- Parmi les 5 langages d’amour (un cadeau, des paroles valorisantes, du temps de qualité, le toucher, les services rendus), lequel te touche plus particulièrement ?
Du temps de qualité. Finalement j’ai peu de temps avec ceux que j’aime, mais quand j’en ai c’est vraiment pour profiter. D’ailleurs, c’est pour ça que je ne culpabilise pas de travailler, parce que lorsque je suis avec mes filles par exemple, je suis pleinement concentrée sur elles. Au-delà des lessives et compagnie, c’est ma priorité.
- Quelles sont les influences qui ont marqué positivement ta vie ?
Mes parents m’ont boostée et appris la confiance en soi. Ils ont toujours cru en moi, malgré tous mes loupés. Même quand mes études de droit ne se passaient pas comme prévu, ils savaient m’encourager !
- Y’a-t-il une parole valorisante sur laquelle tu as pu t’appuyer pour te construire ?
« Tu es capable, tu vas y arriver ».
Mes parents me l’ont répété des milliards de fois et aujourd’hui d’autres personnes me le disent également.
- Quelle est LA personne que tu n’as jamais rencontrée avec qui tu aimerais partager un repas et quelle(s) question(s) tu lui poserais ?
Natasha St-Pier, la marraine de l’association Petit Cœur de Beurre. Parce qu’elle a aussi eu un enfant avec une cardiopathie, je lui demanderais comment on appréhende les choses quand on a une carrière comme la sienne, comment elle a vécu l’opération, qu’est-ce qui lui a permis de faire face…
- Si tu pouvais changer UNE chose de ton quotidien à l’instant par un claquement de doigt, ce serait quoi ?
Changer le coeur de ma fille Elsa. Aujourd’hui son handicap est reconnu entre 50 et 80%. Pour l’instant ce n’est pas trop gênant au quotidien, mais pour l’avenir on ne sait pas.
- Un mot pour inspirer le coeur des femmes ?
Ayez confiance en vous et en vos capacités, vous avez des ressources en vous que vous ne soupçonnez même pas. Vous êtes capables de tout surmonter, il n’y a rien que la vie puisse vous envoyer que vous ne soyez pas capables de prendre en main !
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